dimanche 11 avril 2010

Le stagiaire et l'employeur antisémite


Le stagiaire et l'employeur antisémite



En cette veille de la journée de la Shoah,
on apprend qu'il y a 100% d'augmentation des incidents antisémites dans le monde pour l'année 2009. Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais ce genre d'information qui d'habitude me suscite un sentiment de profonde colère, cette année, ça me laisse froid. Je devrai pourtant m'en émouvoir, de surcroit la veille de la Journée de la Shoah.

Après méditation sur la recrudescence de l'antisémitisme ces dix dernières années, je me souviens de l'époque de la première guerre du Golfe au début de l'hiver 1991, plus précisément d'un article paru alors dans le quotidien Yedioth Aharonot.

A cette époque, comme tous les Israéliens, je me jette sur tous les journaux parus que je les lis avidement. Dans les gros titres, les termes et noms qui reviennent: les scuds qui tombent sur Tel Aviv, "Nahash Tséfa" le mot d'ordre pour se confiner dans les abris, le Président George Bush (père), le Général Norman Schwarzkopf, le commandant en chef des armées américaines Colin Powell, le président Saddam Hussein, le ministre irakien des Affaires étrangères Tarek Aziz, le Premier Ministre Itzhak Shamir etc. Comme tous les réservistes, j'attends la mobilisation qui d'ailleurs ne viendra pas.

Dans l'édition quotidienne du Yedioth Aharonot, une information qui n'a rien à voir avec la conjoncture de guerre attire mon attention. Un information que je n'ai pas oubliée jusqu'à aujourd'hui. Elle nous apprend que l'un des pionniers de cet organe de presse, le docteur Herzl Rosenblum, ancien rédacteur en chef de Yedioth Aharonot vient de s'éteindre.

Né en 1903 à Kovno en Lithuanie, le docteur Herzl Rosenblum est décédé le 1er février 1991 à Tel Aviv.

Kovno est la capitale et la plus grande ville de Lithuanie dans les années 30. Un jeune Juif, un Sioniste, Herzl Rosenblum vient d'achever ses études de droit à l'université à Vienne. Militant du Bétar et disciple de Wladimir Zeev Jabotinsky, son activisme lui a fait prendre du retard pour postuler à un stage dans un cabinet d'avocat. Tous les cabinets d'avocat juifs à Kovno ont été assaillis par les candidats juifs si bien qu'il n'y a plus de place pour un stagiaire en plus. Dans l'atmosphère antisémite qui règne à l'époque, Rosenblum s'adresse à tous les cabinets non juifs. Seul le cabinet d'un avocat de renom, membre du parlement et connu pour son antisémitisme l'accepte.
Le jeune Rosenblum se met à travailler assidument et donne entière satisfaction à son employeur. Ce dernier, redoutable avocat, antisémite notoire et député au Parlement pour un parti nationaliste, en est profondément intrigué. La distance hautaine et le mépris pour son jeune stagiaire juif lui dictent de ne pas adresser la parole à ce dernier. Mais la curiosité de ce Lithuanien antisémite ne lui laisse aucun répit et finalement, il s'adresse directement à Herzl Rosenblum: "j'ai appris que vous être membre d'une organisation sioniste radicale. Vous n'êtes pas sans ignorer que je suis membre du Parlement connu pour ses prises de position antisémites. Comment cela ne vous a-t-il pas dissuadé de postuler pour un stage dans mon cabinet?"
Sans se démonter, Herzl Rosenblum répondit en toute franchise, chose impensable à cette époque pour un subalterne et de surcroit pour un stagiaire juif dans un pays balte: "Oui je ne l'ignorais pas et je dois vous avouer que cela ne me dérange aucunement pour accomplir mon travail du mieux que je le peux. Voyez-vous, je hais les antisémites au moins autant, si ce n'est plus, que ces derniers ne haïssent les Juifs. Par conséquent, je savais que notre coopération s'exercerait strictement sur notre travail d'avocat et rien d'autre, ce qui est du mieux pour moi."

Le docteur Herzl Rosenblum n'a été aucunement dérangé jusqu'au terme de son stage de formation qui sétait déroulé relativement de façon correcte.

Par la suite, le docteur Rosenblum a travaillé aux côtés de Wladimir Zeev Jabotinsky. En 1935, il monta en Israël pour se joindre au parti Hérout de Menahem Begin. La signature du Docteur Herzl Rosenblum est apposée sur la Déclaration d'Indépendance de l'Etat d' Israël. En 1948, il fut nommé rédacteur en chef de Yedioth Aharonot où il signa ses chroniques jusqu'en 1986.

Après la Seconde Guerre mondiale, alors qu'arrivaient avec les premier rescapés de la Shoah en Israël les histoires les plus atroces sur la collaboration dans les pays baltes à l'extermination des Juifs, le docteur Rosenblum demanda aux originaires de Kovno quelle avait été l'attitude de son ancien employeur dont le parti nationaliste avait collaboré avec les Nazis. Les rescapés de Kovno relatèrent à Rosenblum comment cet avocat connu pour son antisémitisme n'avait point collaboré avec les Nazis. Certains lui racontèrent même comment il avait tenté d'alléger les souffrances des Juifs du ghetto. Le docteur Herzl Rosenblum apprit par la suite qu'après la Guerre, avec l'arrivée des Soviétiques dans les pays de la Baltique, son ancien employeur avait été déchu. En tant qu'ancien membre d'un parti nationaliste balte farouchement opposé au Bolchévisme , le régime communiste l'opprima et le mis en disgrâce. Il ne pouvait plus exercer son métier d'avocat et avait plongé dans une misère la plus totale jusqu'à son décès au début des années 50. Le docteur Herzl Rosenblum fit de son mieux pour lui faire régulièrement parvenir des sommes d'argent afin de lui adoucir ce sort peu enviable
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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Joli texte !
Nous conseilles-tu d'entendre ,un jour improbable ,du "Hessed" de la part de nos ennemis les plus virulents ?
William

Aschkel a dit…

Magnifique récit.
Merci Méir

Anonyme a dit…

Merci d'avoir un blog interessant