jeudi 29 avril 2010

Lettre aux signataires de Jcall

Comme vous tous, j'ai appris avec consternation l'existence de la pétition Jcall adressée à l'Union européenne pour faire pression sur l'Etat d'Israël d'accepter une "solution raisonnable au conflit". On nous fait part que des signatures aussi célèbres et prestigieuses que celles de Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Boris Cyrulnique, Georges Bensoussan, de personnalités réputées "sionistes", ont été apposées sur cet appel. Cela en a rajouté à notre indignation. Ci-après, la lettre que j'ai rédigée à leur attention.


Signataires de Jcall,


On ne peut pas vous demander de ne pas avoir l'approche que vous adoptez sur la situation en Israël, mais de quel droit vous, intellectuels juifs, vous vous adressez à l'Union européenne pour faire pression sur nous? Nous qui assumons la vie en Israël et ce tout qu'elle requiert et nous apporte aussi. Aucun d'entre vous n'est prêt à payer le prix pour être Israélien, et vous demandez aux Nations d'Europe de nous faire le bras de fer pour nous imposer la solution que vous estimez la plus raisonnable, sous le prétexte que vous aimez Israël? Je ne remets pas en cause que vous croyez vouloir le bien d'Israël, mais quand vous dites aimer Israël, permettez-moi d'en douter. Aimer Israël cela consiste aussi à respecter la population de ce pays dans toute sa diversité d'opinions et d'origines, et ses choix également. Aimer Israël, ce n'est pas enfermer ce pays dans ce qu'on souhaiterait qu'il fut tout en n'y participant pas d'autre part.

Vous allez me dire que beaucoup de gens en Israël pensent comme vous signataires de Jcall. C'est tout à fait vrai, mais le débat ne porte pas sur le bien fondé de la formule de solution au conflit que vous prônez dans cet appel. Alors oui, entre nous, Juifs de toute tendance, nous pouvons, nous devons dialoguer et discuter de ces choses. La question ne repose pas sur le débat ou non débat entre nous. Ce débat existe, il est houleux même, mais ce n'est pas cela qui est remis en cause ici.

La question est: comment "juivement" parlant, vous croyez-vous en position morale de vous adresser aux Nations pour nous faire pression, et pour annuler par là-même ce que le peuple de ce pays dans toutes ses composantes décide pour lui-même?! Si tant est que vous vous considérez comme faisant encore partie de ce peuple, le peuple juif. En bon hébreu, dans une attitude de conscience juive, c'est pratiquement de la trahison de vous servir des goyim pour nous forcer la main. (goyim signifiant en hébreu "Nations" et non pas "non juifs"). Comme si les Nations n'attendaient que vous leur donniez le feu vert pour faire pression? Pratiquement toutes les solutions et mesures que nous adoptons ces dernières décennies nous sont imposées au forceps par les pressions étrangères.

Les implications de vos signatures sur cet appel sont très graves. Votre initiative signifie aux yeux du monde entier que les Juifs d'Israël sont incapables de décider par eux-mêmes et que leur système de délibération par débat public et par élection au sein de la société israélienne n'a aucune valeur en soi. En d'autres termes que l'Etat d'Israël est une fiction politique. Comment à des intellectuels aussi brillants, qui savent réfléchir aux implications de leurs prises de position, cela a-t-il pu échapper? J'aurai tendance à croire que cela ne pouvait pas ne pas vous échapper et que cela atteste de votre arrogance envers les Israéliens "mal fagotés" et "mal dégrossis" que nous sommes à vos yeux.

Mis à part le mépris et la condescendance indigeste d'une telle attitude, cela veut dire que le peuple juif n'est toujours pas mûr à être souverain de son destin sur sa Terre, et par conséquent, qu'il est toujours inapte à l'Indépendance nationale. Voilà ce en quoi induisent vos signatures sur l'appel Jcall. Vous signataires, vous ramenez le peuple d'Israël à sa situation antérieure au 14 mai 1948, avant la Déclaration d'Indépendance de l'Etat d'Israël par David Ben-Gourion. C'est-à-dire à une réalité dans laquelle le peuple juif doit être parrainé par les Nations du monde, par un mandat britannique ou "obamique" et où les décisions le concernant sont prises ailleurs, par d'autres, à l'ONU, par le "Machin". Une conjoncture où le peuple juif est relégué au stade de lobbyiste de communauté juive. En d'autres termes, les concepts de souveraineté, de gouvernement, de nation, ne sont pas applicables pour le peuple juif en Israël. C'est d'ailleurs ce que prétend le monde arabo-musulman, mais c'est déjà un autre débat. La convergence d'attitudes cependant qui, a priori, n'ont rien à voir l'une avec l'autre, ne pouvait pas ne pas être relevée.

C'est cela le post sionisme qui n'est rien d'autre que de l'antisionisme recyclé! Le peuple juif ne peut être qu'un agglomérat fragmenté d'individus organisés en communautés dispersées prêchant on ne sait quelles valeurs juives. Les mieux intentionnés seraient disposés à octroyer à la "Communauté juive de Palestine" une sorte d'autonomie administrative et de la laisser disposer d'une milice d'autodéfense, mais pour les grandes décisions, ce sont les autres qui doivent les prendre. Dans notre cas, vous les intellectuels juifs d'exil en concertation avec les dirigeants des nations qui échafaudez les modalités territoriales et géopolitiques d'existence aux indigènes hébreux que nous sommes.
C'est cela à quoi mène votre initiative. C'est ce que vous affirmez en clair à Obama, à Poutine, à Sarkozy, à Gordon Brown, à Angela Merkel et par onde de choc, aux nazislamistes comme Ahmanidjad, Assad, et autres postiches de tyrans arabo musulmans qui n'attendent que le moment propice pour nous exterminer. Dans les réunions d'évaluation stratégique aux ministères de la guerre syrien et iranien, vos diatribes ne peuvent que les encourager. Moi à leur place, je me frotterais les mains de satisfaction: "des Juifs de premier plan et réputés "solidaires d'Israël" font pression sur la Communauté internationale pour que l'Etat d'Israël se conforme au diktat étranger". Très fort votre initiative!

Est-ce que le fait que vous êtes tous encore empêtrés dans une réalité existentielle d'exil aurait à voir avec cette dérive? Je n'irai pas jusque là, mais c'est pire. Sans vouloir trop rentrer dans ce débat, je dirai que c'est surtout le fait que vous n'envisagez pas de lier votre destin, votre sort, votre existence à celui d'Israël, le peuple et son Etat, dans un avenir quelconque.

Cette initiative ne fait donc pas seulement l'objet d'un désaccord ou d'une simple controverse politique entre vous et nous. Si ce n'était que cela, soit. Pour nous, c'est dans le pire des cas un drame de plus, mais pour vous, c'est une tragédie. Pourquoi une tragédie? Parce que vous démontrez par là même que le destin d'Israël en dernier ressort doit se décider ailleurs, par d'autres, pas par les Juifs d'Israël. C'est la pire des fautes d'identité que l'on puisse commettre envers soi-même en tant que Juif. Cela implique ipso facto que vous vous mettez en dehors du peuple juif. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cela arrive dans notre histoire. Ce n'est pas moi qui vous condamne à quoi que ce soit, c'est vous qui vous êtes vous-mêmes condamnés à vous mettre en dehors, à ce que votre destin bifurque de celui de l'ensemble de notre peuple, en Israël et en exil pour qui l'Etat hébreu est l'ancre et de son identité, pour qui la Terre d'Israel, c'est la maison et pas seulement une idée. Peut-être parce que vous n'avez pas suffisamment réfléchi aux implications de cette option de cosmopolitisme qui est grosso modo le choix identitaire commun à vous tous signataires?
Alors bien sûr, toutes les ouvertures de retour, de repentir dirait-on dans un langage religieux, sont peut-être possibles. Bien que ce ne soit pas de religion qu'il s'agit, c'est beaucoup plus grave et crucial que cela. Ce n'est donc pas en lisant les Psaumes, ou en adoptant des attitudes pieuses, de tartufferie dirait-on en français, que cela se répare.

Mais j'ai l'impression que ce message est inaudible pour vous, voir incompréhensible, parce que je parle juif même si je le dis en français, et vous, vous parlez français même quand vous voulez parler juif. C'est probablement ce fossé qui se creuse depuis longtemps et dont nous ne prenons acte que maintenant. Un fossé qui risque de devenir infranchissable, comme la semaine dernière lorsque les liaisons aériennes ne pouvaient plus se faire entre Israël et l'Europe justement pendant les festivités de Yom Haatsmaout, la Journée de l'Indépendance d'Israël - nous peuple d'Israël en Israël en tant que Nation liée à sa Terre d'un côté, et vous à concocter cet appel au sein et avec le reste des Nations. Ce n'est pas nouveau dans la très longue Histoire d'Israël. D'ailleurs, ces choses-là, ça se lit et ça s'étudie.

Méir Ben-Hayoun

lundi 19 avril 2010

La dernière lettre de Gad Ezra



La dernière lettre de Gad Ezra



Gad Ezra était le neveu de mon ami Moshé Salama, benjamin des enfants de Soli et de Roselyne, la sœur de Moshé.
Pessah de l'année 2002, les attentats ont atteint leur paroxysme, plus de cents personnes horriblement assassinées rien aue pour le mois de mars 2002, dont l'attentat du soir du Seder à l'hôtel Park à Netanya.
Le gouvernement ne peut plus poursuivre la politique de retenue imposée par l'Administration Bush. Le Président américain veut se rallier les pays arabes dit modérés depuis le 11 septembre pour intervenir en Afghanistan et en Iraq. Cela se fait au prix de vies israéliennes sacrifiées à la bestialité terroriste palestinienne. Pour obtenir la coopération des pays arabes, Bush a mis son veto à une riposte israélienne. Mais pendant Pessah de cette année, l'opinion israélienne gronde. Le leadership israélien ne peut plus tempérer C'est la mobilisation d'urgence pour une opération d'envergure décidée par le gouvernement Sharon.

Gad Ezra, 23 ans, vient de se fiancer. Il a été démobilisé seulement un mois auparavant. Il est appelé d'urgence dans son unité de réserve (milouïm) composés d'anciens de Golani pour l'Opération Rempart. Les gars sont envoyés à Djénine pour nettoyer ce nid de serpents. Le nombre des blessés et des tués monte très vite. Gad, infirmier de son équipe, fait abstraction des dangers autour de lui et court secourir ses copains touchés. C'est alors qu'il est atteint d'une balle qui lui sera fatale. Il sera décoré pour sa bravoure à titre posthume.

J'ai appris cela en temps réel par mon copain Moshé Salama. Je me souviens qu'à l'époque, sa famille était inquiète parce que d'autres neveux de Moshé avaient été mobilisés pour cette opération.
Quelques mois plus tard, lors de la cérémonie où les parents reçurent la décoration pour Gad, Moshé Salama était en colère. Il me dit alors: "Je ne suis pas allé à cette cérémonie parce que si j'avais été à la place de mon beau frère et de ma sœur, j'aurais jeté à la figure du Chef d'Etat major (Shaul Mofaz) la décoration de Gad et je lui aurais dit: 'c'est ça que vous me donnez pour l'avoir envoyé se faire tuer? Tout cela parce que les brillants esprits que vous êtes au ministère de la Défense, n'avez pas eu le courage de donner l'ordre de raser le camp de terroristes de Djénine en le bombardant depuis les airs, de crainte que les nations ne condamnent Israël. Et vous avez préféré que des fantassins se fassent tirer comme des lapins dans ce guêpier!"
La colère de Moshé n'était pas injustifiée. Avec Gad, ce sont 22 autres militaires qui ont été tués lors de cette opération. Les précautions prises par l'Etat major en envoyant sur le terrain des fantassins n'ont pourtant pas empêché la calomnie du massacre de Djénine de se répandre.


En ce jour de Yom HaZikaron, la Journée du Souvenir, toutes nos pensées vont à toutes les familles qui ont perdu des proches lors des guerres d'Israël, ainsi qu'à Soli et à Roselyne arrivés en Israel en 1969 après leurs études à Montpellier, à Viviane et à Jacques, sœur et frère de Gad. Aujourd'hui, Soli et Roselyne vivent à Bat-Yam où ils tiennent une pharmacie.

En racontant comment Gad Ezra, le neveu de notre ami Moshé Salama est tombé lors de l'Opération Rempart le 4 avril 2002, j'ai été profondément ému à la lecture de sa dernière lettre destinée à sa fiancée Galit. Je n'ai pas pu ne pas la traduire.

Méir Ben-Hayoun




Ma très chère Galit

Si cette lettre te parvient, c'est que quelque chose m'est arrivé.

Ce matin, nous avons été informés que l'opération planifée depuis hier sera exécutée aujourd'hui, avec l'aide de Dieu.
Je t'ai déjà dit que le plan opérationnel a été modifié et ne sera pas ce qu'il était censé être au tout début. Je ne voulais pas te causer de soucis ma très chère.

Cela m'a été très pénible de ne pas te raconter la vérité, mais j'ai préféré cela plutôt que de te causer du souci: "On peut changer un peu la vérité pour la paix", même pour la paix d'esprit d'une personne que l'on aime plus que tout sur terre.
Ma tendre bienaimée, je ressens d'une part qu'il n'y rien d'autre que je ne veuille si ce n'est être à tes côtés, t'aimer, fonder avec toi un foyer, une famille, mais d'autre part, il n'y rien que je ne veuille plus que de participer à cette opération et porter un grand coup à ces salopards de telle manière qu'ils ne pourront plus jamais songer à perpétuer d'autre attentat. Ainsi ils prendront en ligne de compte qu'à chaque fois qu'ils commettront la moindre horreur, on les frappera là où ça leur fait le plus mal et quequ'en soit le prix. Moi, je suis prêt à être ce prix.

Ne sois pas en colère contre moi ma bienaimée. Dans des instants comme celà, le sentiment israélien général doit nous guider et nous faire frapper la perfidie comme si nous n'avions pas de vie privée. "Dans l'armée du Roi David, les combattants donnaient un acte de divorce à leurs épouses avant de s'engager au combat."

Ma très belle, je t'aime tellement et mon unique regret, c'est le fait que tu seras peinée et que je ne serai pas avec toi pour te rendre heureuse. En fait, il n'y a rien dans ce monde que tu ne mérites plus que le bonheur. Pour cela ma charmante, je te veux heureuse. Je voudrai que tu sois joyeuse, que tu aimes et que tu t'épanouisses parce que tu le mérites. Je ferai toujours attention sur toi là où je me trouve et je m'assurerai que tu rencontres quelqu'un qui te rende heureuse plus que moi.

Ma mignonne, souviens-toi, tout est pour le mieux et si c'est cela qui a été décidé par le Maitre du monde, c'est ainsi qu'il doit en être. La seule chose qu'il nous reste à faire, c'est d'accepter cela avec amour.

Je t'aime et je t'aimerai toujours et sache que ce que j'ai toujours à l'esprit, c'est seulement toi en ces instants. Je suis sûr qu'au moment où m'arrivera ce qui m'arrivera, tu seras la dernière à qui mes pensées seront consacrées et je m'en irai de ce monde sachant que je suis le plus heureux qui puisse être et ceci grâce à toi.

Pense que tu m'as octroyé la joie et que tu m'as rendu le plus heureux qui puisse être. Tu m'as fait accéder à des summums de bonheur auxquels avant toi je ne pouvais seulement rêver.

Je t'aime ma tendre et te remercie pour tout le bien et le bonheur dont tu m'as comblé lorsque nous étions ensemble.

En fait nous n'étions pas seulement ensemble quand nous nous rencontrions. Nous sommes toujours ensemble depuis avant notre venue en ce monde et nous sommes toujours ensemble même après.

Souviens-toi de cela ma chère, nos âmes proviennent de la même racine.

"Tout ce que fait Dieu, c'est pour le mieux", même cela. Là où je me trouve, je t'assure que c'est l'endroit le plus extraordinaire qu'il y ait. Je ne souffre pas et ne suis pas en peine. La seule chose qui puisse me peiner, c'est la tristesse des personnes qui resteront, toi, la famille et les amis. Diffuse cela ma tendre: "il n'y a pas de désespoir à avoir, la joie doit toujours prendre le dessus." C'est ce que je voudrai te demander, même si cela est dur.

Je sais que je peux te demander cela, parce que je connais la joie et le bonheur naturels qui rayonnent de ta personne. Bonheur et joie dont je me suis épris et qui m'ont tant attiré vers toi lorsque je t'ai rencontrée pour la première fois.

Ma chère et tendre, je t'aime et je t'aimerai toujours. Juste assure-moi que tu poursuivras ton chemin et que tu ne te laisseras pas vaincre. C'est toi qui vaincras, c'est comme cela que cela doit être et il est juste qu'il en soit ainsi.

Je t'aimerai pour l'éternité et je serai toujours avec toi

Ton Gadi




dimanche 11 avril 2010

Le stagiaire et l'employeur antisémite


Le stagiaire et l'employeur antisémite



En cette veille de la journée de la Shoah,
on apprend qu'il y a 100% d'augmentation des incidents antisémites dans le monde pour l'année 2009. Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais ce genre d'information qui d'habitude me suscite un sentiment de profonde colère, cette année, ça me laisse froid. Je devrai pourtant m'en émouvoir, de surcroit la veille de la Journée de la Shoah.

Après méditation sur la recrudescence de l'antisémitisme ces dix dernières années, je me souviens de l'époque de la première guerre du Golfe au début de l'hiver 1991, plus précisément d'un article paru alors dans le quotidien Yedioth Aharonot.

A cette époque, comme tous les Israéliens, je me jette sur tous les journaux parus que je les lis avidement. Dans les gros titres, les termes et noms qui reviennent: les scuds qui tombent sur Tel Aviv, "Nahash Tséfa" le mot d'ordre pour se confiner dans les abris, le Président George Bush (père), le Général Norman Schwarzkopf, le commandant en chef des armées américaines Colin Powell, le président Saddam Hussein, le ministre irakien des Affaires étrangères Tarek Aziz, le Premier Ministre Itzhak Shamir etc. Comme tous les réservistes, j'attends la mobilisation qui d'ailleurs ne viendra pas.

Dans l'édition quotidienne du Yedioth Aharonot, une information qui n'a rien à voir avec la conjoncture de guerre attire mon attention. Un information que je n'ai pas oubliée jusqu'à aujourd'hui. Elle nous apprend que l'un des pionniers de cet organe de presse, le docteur Herzl Rosenblum, ancien rédacteur en chef de Yedioth Aharonot vient de s'éteindre.

Né en 1903 à Kovno en Lithuanie, le docteur Herzl Rosenblum est décédé le 1er février 1991 à Tel Aviv.

Kovno est la capitale et la plus grande ville de Lithuanie dans les années 30. Un jeune Juif, un Sioniste, Herzl Rosenblum vient d'achever ses études de droit à l'université à Vienne. Militant du Bétar et disciple de Wladimir Zeev Jabotinsky, son activisme lui a fait prendre du retard pour postuler à un stage dans un cabinet d'avocat. Tous les cabinets d'avocat juifs à Kovno ont été assaillis par les candidats juifs si bien qu'il n'y a plus de place pour un stagiaire en plus. Dans l'atmosphère antisémite qui règne à l'époque, Rosenblum s'adresse à tous les cabinets non juifs. Seul le cabinet d'un avocat de renom, membre du parlement et connu pour son antisémitisme l'accepte.
Le jeune Rosenblum se met à travailler assidument et donne entière satisfaction à son employeur. Ce dernier, redoutable avocat, antisémite notoire et député au Parlement pour un parti nationaliste, en est profondément intrigué. La distance hautaine et le mépris pour son jeune stagiaire juif lui dictent de ne pas adresser la parole à ce dernier. Mais la curiosité de ce Lithuanien antisémite ne lui laisse aucun répit et finalement, il s'adresse directement à Herzl Rosenblum: "j'ai appris que vous être membre d'une organisation sioniste radicale. Vous n'êtes pas sans ignorer que je suis membre du Parlement connu pour ses prises de position antisémites. Comment cela ne vous a-t-il pas dissuadé de postuler pour un stage dans mon cabinet?"
Sans se démonter, Herzl Rosenblum répondit en toute franchise, chose impensable à cette époque pour un subalterne et de surcroit pour un stagiaire juif dans un pays balte: "Oui je ne l'ignorais pas et je dois vous avouer que cela ne me dérange aucunement pour accomplir mon travail du mieux que je le peux. Voyez-vous, je hais les antisémites au moins autant, si ce n'est plus, que ces derniers ne haïssent les Juifs. Par conséquent, je savais que notre coopération s'exercerait strictement sur notre travail d'avocat et rien d'autre, ce qui est du mieux pour moi."

Le docteur Herzl Rosenblum n'a été aucunement dérangé jusqu'au terme de son stage de formation qui sétait déroulé relativement de façon correcte.

Par la suite, le docteur Rosenblum a travaillé aux côtés de Wladimir Zeev Jabotinsky. En 1935, il monta en Israël pour se joindre au parti Hérout de Menahem Begin. La signature du Docteur Herzl Rosenblum est apposée sur la Déclaration d'Indépendance de l'Etat d' Israël. En 1948, il fut nommé rédacteur en chef de Yedioth Aharonot où il signa ses chroniques jusqu'en 1986.

Après la Seconde Guerre mondiale, alors qu'arrivaient avec les premier rescapés de la Shoah en Israël les histoires les plus atroces sur la collaboration dans les pays baltes à l'extermination des Juifs, le docteur Rosenblum demanda aux originaires de Kovno quelle avait été l'attitude de son ancien employeur dont le parti nationaliste avait collaboré avec les Nazis. Les rescapés de Kovno relatèrent à Rosenblum comment cet avocat connu pour son antisémitisme n'avait point collaboré avec les Nazis. Certains lui racontèrent même comment il avait tenté d'alléger les souffrances des Juifs du ghetto. Le docteur Herzl Rosenblum apprit par la suite qu'après la Guerre, avec l'arrivée des Soviétiques dans les pays de la Baltique, son ancien employeur avait été déchu. En tant qu'ancien membre d'un parti nationaliste balte farouchement opposé au Bolchévisme , le régime communiste l'opprima et le mis en disgrâce. Il ne pouvait plus exercer son métier d'avocat et avait plongé dans une misère la plus totale jusqu'à son décès au début des années 50. Le docteur Herzl Rosenblum fit de son mieux pour lui faire régulièrement parvenir des sommes d'argent afin de lui adoucir ce sort peu enviable
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vendredi 9 avril 2010

La soldate, le journaliste et les Panthères roses


La soldate, le journaliste et les Panthères roses

Fréquentes sont les journées en Israël où une affaire bouscule l'autre et où elles se disputent les records du jamais vu. Mais aujourd'hui jeudi 8 avril, c'est tout de même un jour exceptionnel où s'enchevêtrent des summums de fiascos.



Nous ne traiterons que de l'affaire Anat Kam qui défraye la chronique et dont les ramifications posent déjà des problèmes de fond de dysfonctionnement dans la société israélienne. Cette affaire n'a été autorisée qu'à être partiellement divulguée seulement aujourd'hui par la censure militaire.


C'est une suite de gigantesques fiascos pratiquement sans précédent au sein du Renseignement militaire (Aman) et seulement ensuite, un fiasco des Services de sécurité intérieur (Shabak), un tsunami d'une telle amplitude que dans d'autres armées, des généraux payent de leur carrière sur le champ. En d'autre temps, ils se seraient fait hara kiri ou se seraient tirés un balle sur dans la tempe. Et ce n'est pas tout. Cette affaire nous dévoile le pot au roses, à savoir que tout un chacun peut s'introduire dans les bureaux des plus grosses huiles de Tsahal et y consulter le matériel le plus confidentiel.


Il ne faut pas perdre de vue que cette affaire est publiée seulement deux jours après l'ouverture du procès en Cour martiale d'un militaire, de membres de sa famille et de citoyens arabes israéliens qui avaient réussi à pénétrer dans le bureau du Chef d'Etat major, le Général Gabriel Ashkénazy et à y saisir du matériel qui avait été transféré au Hezbollah. Probablement que cela n'est pas étranger à la manière pas très élégante avec laquelle, le Ministre de la Défense Ehoud Barak et le Premier Ministre Binyamin Netanyahou ont fait savoir que la nomination du Chef d'Etat major Ashkénazy ne sera pas reconduite d'une année supplémentaire à la fin de son mandat.


Selon les informations transmises par le directeur des Services de sécurité intérieure (Shabak) M. Youval Diskin lors de sa conférence de presse, la soldate Anat Kam accomplissait son service militaire dans le Bureau du Commandant de la Région centre, le Général Yaïr Naveh, entre les années 2005 et 2007. C'est ainsi qu'elle a volé de ce bureau et gravé sur CD, plus de 2000 documents confidentiels dont certains étaient classifiés "TOP SECRET". Les motivations de Kam à commettre ces vols étaient de nature idéologique. Diskin a précisé que mettre la main sur ces documents est le rêve le plus juteux de toute puissance ennemie.

Le directeur du Shabak a ajouté que ces documents étaient de natures diverses: des ordres d'opérations secrètes du Commandement centre et de l'Etat major, des dispositifs de l'armée en cas d'urgence, des déploiements d'unités, des cas de figures d'engagement, des doctrines tactiques et encore beaucoup d'autres choses. Par conséquent, divulguer de telles informations peut mettre en grave danger des militaires et des civils israéliens.



Anat Kam qui n'a que 23 ans a copié ces documents durant son service militaire et les a gravés sur CD. Dans le courant de l'année 2008, elle les a transmis au correspondant Ouri Blau du quotidien Haaretz après les avoir proposés à d'autres journalistes. A partir de ces informations secrètes, Ouri Blau a publié des chroniques qui ont été agréées par la censure militaire (?!). Quand finalement dans les milieux militaires on s'est réveillé d'un profond sommeil à la lecture de ces colonnes et qu'on a compris qu'il s'agissait d'informations confidentielles, les Services de sécurité intérieure (Shabak) ont été diligentés pour mener l'enquête.

En septembre 2009, les Services de sécurité intérieure (Shabak) et le quotidien Haaretz ont signé un accord dans lequel Ouri Blau était censé rendre les documents confidentiels en sa possession. En contrepartie, le Shabak s'engageait à ne pas incriminer Ouri Blau et à ne pas lui faire subir d'interrogatoire sur ses sources.

Deux mois plus tard, en décembre 2009, Anat Kam a été appréhendée et interrogée, et depuis elle est assignée à domicile. Le 14 janvier 2010, elle a été inculpée pour espionnage.

Lorsque les Services de sécurité intérieure (Shabak) ont obtenu les documents du correspondant de Haaretz, Il s'est avéré qu'il ne leur avait remis que 50 documents alors que les Services de sécurité sont convaincus qu'il en détient beaucoup d'autres. Et le comble pour les Panthères roses des Services de sécurité, Ouri Blau a réussi à s'envoler pour Londres en décembre 2009 (?!), probablement afin de ne pas être arrêté et interrogé sur les documents manquants. Et depuis, il n'est toujours pas revenu en Israël ni n'est sur le point de le faire. Dans des interviews accordées à des journaux étrangers, Dov Alfon le rédacteur en chef du quotidien Haaretz a affirmé que le journal assurera tous les besoins de son correspondant Ouri Blau en exil en Angleterre, tout le temps que cela sera nécessaire. En d'autres termes, le quotidien Haaretz soutient et protège Ouri Blau contre les Services de sécurité intérieure et considère cela comme un cas de confidentialité professionnelle journalistique à protéger.

Le directeur du Shabak, Youval Diskin a mis en garde que la divulgation de cette affaire au public ferait d'Ouri Blau un objectif pour des éléments hostiles à Israël, insinuant ainsi que la vie de ce dernier serait dorénavant en danger par ceux qui voudraient mettre la main sur ces documents secrets.

C'est une série de graves fiascos qui ferait un excellent scénario d'un film de comédie-espionnage, dont les principales questions qui se posent sont les suivantes:

1- Comment une appelée connue pour ses connivences idéologiques avec des groupuscules radicaux antisionistes israéliens, dont l'engagement la met en porte à faux et l'oppose aux activités militaires israéliennes contre les Palestiniens, peut-elle circuler et servir dans le Bureau du Commandant de la Région centre qui est la plaque tournante et le centre nerveux des opérations de Tsahal en Judée et Samarie, et pas seulement face aux Palestiniens?

2- Le fait qu'Anat Kam ait réussi pendant deux années consécutives à copier une quantité aussi impressionnante de documents et à les graver sur CD indique que c'était la pagaille totale dans le Bureau du Commandant de la Région centre. Il est vrai qu'en 2005, alors qu'Anat Kam s'engageait dans son forfait, le Commandement de la Région centre et son général Yaïr Naveh, consacraient toutes leurs ressources et talents à exécuter de façon "élégante" l'expulsion des pionniers juifs des localités du Nord de la Samarie, œuvre maitresse du crépuscule de l'ère Sharon. On ne peut pas être partout à la fois, transformer les fidèles patriotes des implantations juives du Nord de Samarie en adversaires à expulser, et être en alerte aux éléments subversifs d'Israéliens fanatiques infiltrés au cœur même des centres de décision de l'appareil militaire.

3- Un élément plus qu'étrange est comment les Services de sécurité après deux mois de pourparlers avec Haaretz et son correspondant Ouri Blau ne sont arrivés à Anat Kam qu'en décembre 2009?

4- Comment, après presqu'une année d'enquête, les Services de sécurité intérieure ne savent toujours pas où se trouvent les documents manquants?

5- La dernière question à ce stade qui sera suivie par beaucoup d'autres, est, comment le quotidien Haaretz a pu sans aucun problème publier des articles où des informations secrètes ont été divulguées sans être fermé ou écroué en justice jusqu'à ce jour?